Si je sors de l'ombre aujourd'hui, c'est qu'une partie de mon travail s'achève. Un magma de lieux immenses est en train de sombrer. Au détour d'un hyper-lien j'ai découvert un code étrange. Des pages et des pages de lignes de caractères, de coordonnées, quelques annotations évocatrices ; et surtout un nom composite mystérieux... CapeHeligan.grdn

Ma curiosité fut immédiatement piquée à vif, et sans plus attendre je m'attaquais au décryptage de cette langue. La surface, à peine grattée, me révéla un monde. Les lignes décrivaient des arbres, un étang, une serre... Qui avait inventé ce lieu ? Et dans quel but ?

J'identifiais rapidement cet espace comme une sorte de jardin-tombeau, qui semblait avoir été abandonné en pleine construction. Grâce à l'étude des codes, des formes et des références j'arrivais à dater le lieu. Il avait probablement été conçu pendant la première ère du web. Une période bouillonnante et utopiste, peuplée de navigateurs éclairés désireux d'investir ces territoires vierges. Des pionniers révoltés, créant des espaces de paroles libres à grand renforts de lignes de codes. Ce jardin était-il alors un lieu de rencontre entre ces différents internautes, sauvé in-extremis de la grande fermeture des serveurs ? Vestiges d'un temps d'avant la mise en place des grands hubs rassemblant un peuple en ligne. D'autres terres similaires existaient peut-être encore, à la dérive parce que déserte. La fin d'un rhizome...

Cette découverte ne put me laisser indifférent : il fallait que je le restaure, le sauvegarde et le diffuse. D'archéologue à jardinier, de jardinier à gardien, je veille aujourd'hui à sa conservation et à son héritage.